Barbieland
Le film de Greta Gerwig érige clairement Barbie au rang d’icône féministe. C’est souvent l’angle d’attaque principal des articles que j’ai pu lire ces derniers jours. Et c’est vrai que le film véhicule un message féministe.
A Barbieland, ce sont les Ken qui sont opprimés et les Barbie qui sont président de la république, prix Nobel ou membre de la cour suprême.
Les Ken ne sont là que pour « exister dans la chaleur du regard de Barbie ». Admirer l’exceptionnel Ryan Gosling en petite chose timide, bodybuildée, peroxydée et opprimée par le matriarcat est follement amusant (et très agréable !).
J’ai vraiment passé un super moment devant Barbie. La BO est canon, le film est très séduisant visuellement, les couleurs pétillantes m’ont embarquée dans le monde féérique dans lequel j’ai passé une dizaine d’années quand j’étais gamine.
Et c’est là que je voulais en venir. Pour moi Barbie a toujours été féministe.
La naissance de Barbie
Aux origines était Lili, une petite poupée coquine, destinée aux mâles adultes allemands dans les années 60.
Quand Ruth Handler, fondatrice de Mattel, tombe sur Lili à l’occasion d’un voyage en Europe, c’est son apparence qui l’intéresse, pas sa connotation érotique. A l’époque Ruth cherche à créer une poupée avec laquelle sa fille, Barbara, pourrait rêver.
Elle ne veut surtout pas créer un énième poupon qui apprendrait à sa fille comment s’occuper d’un bébé, le nourrir, changer ses couches.
Non, elle imagine une poupée indépendante, loin de l’image de la femme au foyer soumise à la maternité et au mariage.
Barbie Girl
Entre 4 et 14 ans, j’ai été une vraie Barbie Girl, j’ai voué un véritable culte à cette poupée en plastique de 29cm, aux jambes interminables, aux seins en forme d’obus et aux pieds perpétuellement pointés.
Son physique était tellement disproportionné, tellement éloigné d’une quelconque réalité, qu’à aucun moment je ne me suis projetée dans cette représentation du corps féminin.
A aucun moment je n’ai imaginé devoir lui ressembler. Barbie n’a jamais été pour moi source de complexe ou de frustration, comme cela sera le cas un peu plus tard, avec les magazines « 20 ans » ou « Jeune et jolie » que j’ai consommés sans modération à l’adolescence. D’ailleurs cette presse féminine teenage fera sans doute l’objet d’un billet à part entière car le sujet me préoccupe !
Non, Barbie, pour moi, c’était une super-héroïne.
Barbie ne ressemblait à aucune femme de mon entourage. C’était une femme libre, indépendante, ni princesse ni maman.
Comme le proclame l’affiche du film, elle pouvait tout faire.
Mes Barbie étaient nombreuses et formaient un monde quasi exclusivement féminin, un monde d’amazones.
Un matriarcat avant que je ne connaisse le mot.
Barbie n’avait pas besoin de Ken pour conduire son cabriolet, acheter sa maison, partir camper ou aller dans l’espace. Barbie c’était la femme des années 80 que chantait Sardou, femme jusqu’au bout des seins qu’on a envie d’appeler Monsieur.
Mes Barbie exerçaient des métiers habituellement réservés aux mecs (du moins dans les années 80) : président de la république, PDG, chirurgien, pilote de chasse. Je passais des heures à leur inventer des vies, des carrières, des histoires d’amour et d’amitié.
Des histoires romanesques, intenses, des histoires de pouvoir, de manipulation.
Mes Barbie étaient des femmes puissantes, des reines.
Elles n’avaient jamais d’enfant, ne faisaient jamais la cuisine ou les courses, à part des séances de shopping dans les boutiques de luxe.
D’ailleurs c’est en jouant à la Barbie que j’ai commencé à développer mon amour de la mode et des fringues, au grand dam de ma mère, tellement loin de ces préoccupations girly !
Barbie était belle et soignée, elle portait toujours la bonne panoplie. Je voulais être pareille.
Mais si Barbie m’a enseigné la coquetterie, l’indépendance et l’ambition, elle ne m’a pas appris la sororité !
Dans mes histoires il y avait toujours une Barbie leader, et les autres qui la servaient. Quand on m’offrait une nouvelle poupée, elle faisait son petit putsch et prenait la place de la chef.
Il ne faut pas imaginer que jouer à la Barbie était quelque chose d’innocent et de doux. Les histoires que je me racontais étaient souvent trash. Les meurtres, les mensonges, les trahisons n’étaient pas rares. J’ai souvenir d’une Barbie qui se suicide en sautant par la fenêtre de ma chambre. Plusieurs se sont noyées. Combien ont fini leurs jours emprisonnées, décapitées ?
Lui c’est juste Ken
La place de Ken dans mon gynécée est complexe.
Je n’avais qu’un Ken et dans mon souvenir il n’avait pas de profession. Il n’était que le mari de Barbie. Une sorte de sextoy décoratif que j’utilisais pour simuler l’acte sexuel. Le pendant masculin de la femme au foyer en quelque sorte.
Avec le recul, ce qui m’interpelle c’est que seule Barbie en chef avait un mec.
Ken était certes relégué au rang d’homme objet mais il constituait néanmoins une sorte de trophée pour lequel les Barbie s’écharpaient, au même titre que le cabriolet.
Dès son plus jeune âge, une nana intègre la rivalité féminine comme étant naturelle. S’il n’y a qu’un mec disponible, il sera pour la plus belle, la plus puissante, la plus désirable.
Instinctivement j’ai reproduit ce schéma dans mon Barbieland personnel.
A ma décharge, je n’avais qu’un seul Ken : toutes ne pouvaient donc pas en avoir un.
Mais j’imagine que j’aurais pu le partager entre toutes, elles auraient pu se le prêter et l’avoir en garde alternée ?
Il faut croire que je privilégiais les crêpages de chignon plutôt que l’amour libre et libertin !
Merci Barbie d’avoir été un modèle de femme puissante pour la petite fille que j’étais 🙏
– Article écrit par Anne
