Tu ne fais pas ton âge
J’ai 47 ans et aucun compliment ne peut aujourd’hui me faire plus plaisir que « tu ne fais pas ton âge ».
C’est triste car j’ai l’âge que j’ai, ça n’est pas honteux, c’est l’histoire de la vie.
Susan Sontag, essayiste américaine, écrivait en 1972 « l’une des plus grandes tragédies de la vie d’une femme est de vieillir ».
Vieillir est inévitable. C’est un processus naturel qui touche chacun et chacune d’entre nous. On ne peut pas aller contre la nature. Il s’agit d’un combat perdu d’avance.
Vieillir n’est une partie de plaisir pour personne mais c’est particulièrement cruel pour les femmes. Quand un homme prend de l’âge, il gagne en compétence, en virilité, en autorité. Quand une femme prend de l’âge elle semble avoir, au contraire, tout à perdre : sa beauté, sa candeur, son innocence, sa fertilité. Sa féminité aussi, car, dans notre société la féminité est presque toujours associée à la jeunesse.
Les femmes sont malheureusement des denrées périssables.
Laissons-nous vieillir en paix !
Isabella Rossellini, égerie Lancôme depuis les années 80
Depuis toujours la société nous raconte qu’on ne nous regarde que quand nous sommes jeunes et belles.
Avec l’âge vient la peur de ne plus être désirable, de ne plus être désirée. Consciemment ou non nous avons toutes besoin d’être désirées, et de ce fait de ressembler à ce que les hommes désirent.
Les rides, les cheveux gris et les autres signes du vieillissement sont souvent perçus comme des défauts à corriger plutôt que comme des marques d’expérience et de sagesse. La chirurgie esthétique, les régimes et les crèmes miracles inondent le marché et créent une course sans fin contre le temps.
Car il existe des injonctions jusque dans la façon dont il faut vieillir !
Passé 40 ans on a le droit de vieillir, mais il faut le faire avec grâce, en silence et sans offenser quiconque.
Les magazines féminins nous abreuvent d’articles à double lecture « Comment être belle à tout âge », « Les secrets des femmes qui ne font pas leur âge ».
On a droit à certaines imperfections, mais attention, pas à toutes. On accepte certaines rides, celles qui racontent une vie de rires et de joie, mais pas celles qui donnent l’air fatigué. Ok pour les cheveux blancs, mais on compense avec un make-up parfait.
On nous bombarde de modèles de beautés professionnelles (Sophie Marceau, Monica Belluci) qui véhiculent exactement le même idéal inaccessible que les mannequins de 25 ans.
La date de péremption recule (40 ans, le nouveau 30 ; 50 est le nouveau 40) mais le sujet reste le même : il faut rester belle.
Le tunnel de la comédienne de 50 ans
Karine Viard, Mathilde Seigner, Valeria Bruni-Tedeschi et Charlotte Gainsbourg : 4 de mes actrices préférées
L’invisibilité des femmes de plus de 50 ans est particulièrement criante dans le cinéma.
Si, en France, une femme majeure sur 2 a plus de 50 ans, c’est très loin d’être le cas dans les fictions. Sur l’ensemble des films français sortis en 2021, seuls 7% des rôles étaient attribués à des actrices de 50 ans et plus. Ce chiffre était de 16% pour les hommes de plus de 50 ans, soit plus du double.
A part de rares exceptions comme Catherine Deneuve, Isabelle Huppert ou Fanny Ardant, passé 50 ans, la plupart des comédiennes sortent du game.
Restent les rôles de grand-mère ou la chirurgie esthétique.
Marina Tomé, actrice française à l’origine de la commission AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans s’exprime sans optimisme sur ce sujet : « C’est quoi, le problème à 50 ans ? Le problème, c’est la ménopause… Les films construisent un imaginaire collectif. On est en train de reproduire des clichés archaïques en racontant au public qu’une femme, ça sert à procréer. Voilà où on en est encore en 2022 dans nos fictions. » Elle qualifie le rejet des femmes de plus de 50 ans de « ménopause sociale » : les femmes ne sont utiles que dans leur rôle sexuel et désirable.
Pour Catherine Piffaretti, une autre actrice française ; le combat contre l’invisibilisation des actrices de plus de 50 ans concerne toutes les femmes, quelque soit leur âge et leur métier. Si ces actrices disparaissent des écrans, alors les femmes de plus de 50 ans disparaissent de l’inconscient collectif. C’est une double violence, âgiste et sexiste.
A petits pas vers le changement ?
Shooting #OVER40 avec la talentueuse Ema Martins
Chez Pomm’Poire, depuis plusieurs années nous mettons un point d’honneur à représenter toutes les morphos au travers de nos campagnes. En revanche, jusqu’à présent nous n’avons pratiquement pas eu de modèle de plus de 40 ans. Le tabou de l’âge est-il plus tenace que celui de la minceur ?
Quand je réfléchis à intégrer une nana plus mûre dans nos shootings, les questions qui me viennent spontanément sont assez brutales :
- Est-ce qu’une femme, quel que soit son âge, a envie qu’on lui présente un ensemble de lingerie sur une quinqua ?
- Est-ce qu’elle va se projeter ?
- Préfère-t-elle voir le produit sur un corps plus jeune ?
De la même manière, dans le cinéma :
- Est-ce qu’on a envie de voir une femme de plus de 50 ans dans une comédie romantique ?
- Est-ce qu’une scène de sexe avec une quinqua nous émoustillerait autant qu’avec une beauté de 20 ?
N’est-ce pas le rôle de la mode et du cinéma de nous faire rêver ? De nous permettre de nous évader de la réalité ?
La question est peut-être là finalement. Le public, y compris le public féminin, est-il prêt à faire de la place aux femmes de 50 ans dans la mode et le cinéma dans les mêmes proportions que dans la société ?
Je n’ai pas de réponse mais j’ai envie de croire que les lignes bougent doucement.
Pour faire sortir les femmes de plus de 40 ou 50 ans du placard, c’est l’ensemble des mentalités qu’il faut changer. C’est la perception globale que la société a des femmes de plus de 40 ou 50 ans qu’il faut changer. A commencer par celle des principales concernées d’ailleurs !
Quelques marques de cosmétiques et de prêt-à-porter commencent à mixer les modèles de différents âges. C’est sans doute le bon chemin.
En tout cas c’est celui que nous avons décidé d’emprunter avec Pomm’Poire.
Il est temps que la mode reflète non seulement la diversité des morphologies mais aussi la diversités des âges et des expériences.
– Article écrit par Anne